De la Perse aux royaumes des Ouïgours, itinéraire
bousculé et bouleversant
Tout grand voyageur le
sait, la préparation d’un périple a beau être de la précision d’une montre
suisse, son plus grand succès résidera toujours dans la gestion des variables. Heureusement
ou malheureusement pour nous, les variables marqueront foncièrement ce dernier
mois de quotidien nomade. Après avoir eu droit à notre visa iranien 25
jours en retard à Trabzon, nous n’avons pas eu moins qu’un refus net et sans
explication d’entrer au Turkménistan alors arrivés à Machhad. Situation délicate
quand on a deux vélos et que la seule autre solution terrestre pour suivre
la Route de la Soie est l’Afghanistan. Cela aurait été une expérience des plus
enrichissantes pour sûr, mais bon, savoir nos familles en insomnie pendant deux
semaines dévaluera fortement cette possibilité.
Deux heures après la nouvelle, notre décision est prise et l'avion pour survoler le
territoire turkmène est réservé : vol Téhéran-Tachkent prévu ce vendredi
17 juillet. Cela nous laisse donc trois jours pour relier Machhad à Téhéran,
et donc un peu de marge dans le temps en optant pour la liaison en bus.
Cela ne nous empêchera pourtant pas d’avoir une petite montée d’adrénaline alors
arrivés à l’aéroport de Mehrabad (Téhéran) en apprenant que notre avion décolle
en réalité de l’Aéroport international Imam Khomeini situé à 60 kilomètres un
peu plus au sud. Un taxi, cette fois, avec fixation branlante des vélos sur
le toit nous sauvera la mise pour 20$ alors que le pays entier fête la fin du ramadan. Quelques heures et complications plus tard (check-in, empaquetages
vélo et bagages…), si notre cœur se soulève encore une fois, ce sera assis sur notre banquette au décollage pour l’Ouzbékistan. Ouf!
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Itinéraire de Téhéran à Bichkek, du 15 juillet au 2 août 2015 |
Nos estomacs ne seront
pas non plus en reste. Les marchés traditionnels sont présents partout et les stands de melons, pastèques et autres boissons salées/sucrées font
partie intégrante du bord de route. Mais par-dessus tout, les invitations au plov,
LE repas traditionnel ouzbek, et les melons/pastèques offerts le long du chemin animeront quotidiennement notre périple dans ce merveilleux pays. Un pays qui restera
parmi nos préférés, c'est certain.
Après avoir traversé la tranquille Vallée de Fergana, être passés quelques contrôles de passeport et s’être remis à jour pour nos enregistrements (voir « OVIR »), nous quittons l’Ouzbékistan pour le Kirghizistan à la petite frontière d’Uckurgon.

Après avoir traversé la tranquille Vallée de Fergana, être passés quelques contrôles de passeport et s’être remis à jour pour nos enregistrements (voir « OVIR »), nous quittons l’Ouzbékistan pour le Kirghizistan à la petite frontière d’Uckurgon.
Le Kirghizistan aux
premiers abords nous semble quelque peu moins chaleureux. Les gens n’ont plus
cette spontanéité d’accueil, leur comportement est beaucoup plus rustique et la vodka laisse pas mal de déchets humains en rue - unique pour un pays
musulman. Du moins dans les bourgades isolées que nous traverserons entre Jalal Abad et
Naryn. Le tableau est assez noir, mais explicable. Ces populations vivent isolées, non seulement par les montagnes, mais également par la mauvaise qualité des routes, et les rares approvisionnements en vivres rendent définitivement leur quotidien difficile. Un accueil nous sera quand même proposé par un groupe de nomades
un peu avant Ak-Tal. Il aura fallu avoir poussé une journée entière
notre vélo dans la montagne sans croiser âme qui vive, être bloqués par un
orage à la tombée de la nuit et être sans vivre pour bénéficier de ce timide
accueil en yourte. Nous aurons également droit à l’étape bûcheronnage nécessaire
à la cuisson du repas. Malheureusement, la conversation restera assez basique
et la communication difficile. En effet, le kirghiz n'a rien à voir avec le russe. Ses racines sont turques, tout comme l'ensemble des langues d'Asie Centrale (Tadjik, Ouzbek, Kazakh, Azéri...).


Felix est donc parti
hier matin vers la frontière chinoise (Ili) retrouver les siens (son père, Jian
et Daphné, sa sœur) pour une petite semaine de vacances au Xinjiang. Il tracera ensuite vers Xi’an puis Pékin à vélo et, en fonction du temps
qu’il a, visitera sa famille à Taïwan et me rejoindra finalement dans le sud
de la Chine.
L’heure est donc au
constat après ces 5 mois de vélo complètement fou :
- Des rencontres nombreuses, d’une diversité et d’une richesse inouïe, difficilement accessibles autrement : des cyclo-marathoniens, des raw-végétaliens, des prêtres orthodoxes fous et des grands dealers bons samaritains, des rom, des réfugiés syriens, irakiens, des alcooliques géorgiens, des imams sunnites, des chiites, des artistes en tout genre, des nomades…des hommes ! ;
- Des expériences imprévues et +- enrichissantes : gratter le givre de la tente au réveil (Allemagne), retrouver le passeport de Felix dans un parc après cambriolage de la tente (Hongrie), sauver une jeune turque, Neslihan, de la noyade et devenir héros national (Turquie), se faire rouler dessus par une voiture qui ne s’arrêtera jamais (Jérôme, Géorgie), apprendre à déféquer comme un parfait Turc (Arménie), être conduits au commissariat pour avoir pris une montagne en photo (Iran), subir toute la période du ramadan et avoir des problèmes gastriques une bonne semaine (Iran), sermonner un vieux flic peu responsable (Felix, Iran), boire du lait de jument fermenté dans une yourte (Kirghizistan), rouler de Tachkent à Bichkek avec une selle cassée (Jérôme) et confondre de l’Ice tea avec de l'urine (Jérôme, Kirghizistan) ;
- Sinon, plus sérieusement, le budget mutuel consommé après trois mois (Europe+Turquie) était de 1000€, mais est passé à 3000€ après cinq mois tout compris. Nous restons donc sur un bilan assez « cheap » malgré les imprévus. 1500€, soit 10€/jour par personne ;
- La santé est actuellement au beau fixe, mais nous sommes et devons rester prudents. Les pépins physiques au niveau des genoux (Jérôme), tendons d’Achille (Felix) et dos (Felix) se sont fait sentir à plusieurs reprises. L’alimentation est également source d’ennuis parfois très handicapants pour les cyclistes. Nos symptômes gastriques ont presque toujours été concommittants et de durée et intensité similaires, sans jamais vraiment nous bloquer ;
- Et pour clôturer ce petit article, notre compteur kilométrique a dépassé les 9000 km depuis la Belgique, soit une moyenne journalière de 60 km. Nous sommes donc parfaitement dans nos prévisions.
Maintenant, à nous l'Inde et l'Asie profonde. Avec l’équipe de choc que je te ramène, on ne va pas s’embêter ! A bientôt pour de nouvelles aventures,
Jérôme
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